Le Paysan Vendéen (La scène, historique, est survenue à Londres, au début du XIXème Siècle, chez 'l'agent des Princes', où se bousculent aristocrates dandys et aventuriers de tout poil 'vendeurs de Contre-Révolution'.) (...) Dans un coin de cette foule était un homme de trente à trente-deux ans qu'on ne regardait point...Frappé de son air, je m'enquis de sa personne: un de mes voisins me répondit: 'Ce n'est rien; c'est un paysan vendéen porteur d'une lettre de ses chefs.' (...) Cet homme, qui n'était rien, avait assisté à deux cents prises et reprises de villes, villages et redoutes, à sept cents actions particulières et à dix-sept batailles rangées; il avait combattu trois cent mille hommes de troupes réglées, six à sept cent mille réquisitionnaires et gardes nationaux; il avait aidé à enlever cent pièces de canon et cinquante mille fusils; il avait traversé les Colonnes Infernales, compagnies d'incendiaires commandées par des Conventionnels; il s'était trouvé au milieu de l'océan de feu qui, à trois reprises, roula ses vagues sur les bois de la Vendée; enfin, il avait vu périr trois cent mille Hercules de charrue, compagnons de ses travaux, et se changer en un désert de cendres cent lieues carrées d'un pays fertile. (...) (...) Les Vendéens députaient vers les exilés; les géants envoyaient demander des chefs aux pygmées. L'agreste messager que je contemplais avait saisi la Révolution à la gorge, il avait crié: 'Entrez; passez derrière moi; elle ne vous fera aucun mal; elle ne bougera pas: je la tiens.' Personne ne voulut passer: alors Jacques Bonhomme relâcha la Révolution, et Charette brisa son épée. CHATEAUBRIAND - Mémoires d'outre-tombe
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