« 4 juin 1919. Cela fait presque une année que la guerre s'est terminée. J'en garde encore quelques souvenirs amers, des souvenirs qui me reviennent encore, encore, et encore. J'aimerais pouvoir dormir, pouvoir rêver de nouveau, mais il n'en est rien. Pour les hommes comme moi, c'est devenu un luxe, inaccessible, que seuls les fortunés qui ont eu la chance de ne pas avoir vu le front, senti le sang ou la chair, peuvent encore en jouir. Il n'est pas une journée sans que je ne puisse penser à ma femme, mon fils, et aux derniers mots chuchotés dans le creux de leurs oreilles avant de partir vers le front. Les derniers mots en tant que mari et père, les derniers mots d'un homme qui avait tout. Aujourd'hui, mes souvenirs sont les vestiges de mon bonheur, les vestiges d'une famille heureuse, unie... Ma famille. Que l'on me dise d'oublier, est une hérésie. Comment le pourrais-je, alors que ma mémoire est la seule chose qui les maintienne en vie, dans mon cœur ?
Je vais partir. Très loin, en Inde. Il y est paraît-il des lieux inexplorés, inhabités, où la nature vous berce et vous console. Peut-être là-bas trouverais-je enfin le sommeil... »
Connectez-vous pour laisser votre commentaire